pour limiter à 2°C le réchauffement climatique
Situation et perspectives pour les Jonsois
Source : Rapport du Shift Project de mars 2021 / Wikipedia , Impact climatique du transport aérien
Nous autres, Jonsois, avons une relation particulière avec les avions. Ils peuplent notre quotidien dans le ciel de Jons, offrent pour certains une commodité pour les voyages tant à titre professionnel que personnel. Ils assurent un emploi dans l’industrie aéronautique alentour, en particulier sur la plateforme aéroportuaire de Lyon Saint-Exupéry.
Or cette industrie aéronautique, comme toutes les autres activités humaines, est concernée par la limitation du réchauffement climatique de 2°C en 2100 décidé à la COP21 de Paris. Les avions devront à l’avenir générer beaucoup moins de gaz à effet de serre.
L’objet de cet exposé est de clarifier la situation actuelle et les perspectives pour les Jonsois.
Nous nous appuyons sur l’impressionnant travail effectué par Le Shift Project sur le sujet, diffusé en mars 2021, consultable sur Internet.
- Situation actuelle et perspectives
1.1 L’industrie aéronautique est émettrice de gaz à effet de serre
1.2 Ce sont les plus aisés qui prennent l’avion
1.3 La quantité de GES que l’industrie aéronautique peut émettre d’ici 2050 est limitée
1.4 Les programmes actuels d’efficacité énergétique
1.5 Le programme CORSIA
1.6 Plus forte que les mesures ci-dessus: la pandémie de Covid-19 - Les scénarios possibles
- Un scénario volontariste mais réaliste
- Vivre à Jons demain
- Prendre l’avion demain
- Travailler dans le secteur de l’aviation demain
Conclusion : ce qu’il faut retenir
- L’industrie aéronautique est contributrice au réchauffement climatique et doit participer en proportion au combat pour la réduction des gaz à effet de serre
- La quantité de gaz à effet de serre que l’industrie aéronautique peut émettre d’ici 2050 est limitée
- Les programmes d’efficacité énergétique actuels contribuent très faiblement à l’objectif (4%)
- Le mécanisme international de compensation CO2 CORSIA en cours de mise en place ne répond que pour 20% à l’objectif de réduction d’émission de GES imposée à l’aviation
- Pour atteindre l’objectif, il faut effectuer une révolution à la fois technologique et sociologique
- Révolution d’abord sociologique : changer nos comportements pour assumer une décroissance du trafic aérien, entre 1% et 5% / an sur le long terme
- Révolution ensuite technologique : développer des solutions volantes moins coûteuses en eCO2. Principalement le remplacement du kérosène par les biocarburants dits de 2ème génération, le PTL et l’hydrogène
- Cette évolution aura un impact sur le plan de l’emploi, sur le plan fiscal, et sur le plan de nos comportements consuméristes
- Les Jonsois auront moins de nuisances sonores, moins de pollution atmosphérique, fin du mythe de la croissance. Disparition quasi certaine des projets de pistes 3 et 4 de la plateforme Lyon Saint-Exupéry. Mais des Jonsois travaillant actuellement dans le secteur aéronautique peuvent avoir une reconversion à opérer à l’avenir
1. Situation actuelle et perspectives
Rappel des termes employés :
. industrie aéronautique : inclut l’ensemble des activités de production et d’exploitation des avions. Le transport aérien en fait partie.
. GES Gaz à effet de serre . Principalement le CO2 mais aussi le CH4, le N²O², la vapeur d’eau.
. carburant PTL : Power To Liquid
. SAF : Sustainable Aviation Fuels / Carburant Alternatif Durable
. CORSIA : Carbon Offseting and Reduction Scheme for International Aviation / systèmes de compensations carbone
1.1 L’industrie aéronautique est émettrice de gaz à effet de serre
Elle est émettrice à deux niveaux :
. pour produire les avions
. pour les faire voler
Quand un avion vole, il émet des GES, dont l’impact est d’environ 1/3 pour le CO2, 2/3 pour les autres GES : aérosols, vapeur d’eau, etc…
La contribution totale de l’industrie aéronautique au forçage radiatif est de l’ordre de 3,5% (chiffre d’une étude faite en 2011).
On peut dire que 3,5 %, ce n’est pas beaucoup.
Certes mais est-ce une raison valable ?
1.2 Ce sont les plus aisés qui prennent l’avion
En France, 5% des français occupent 50% des places en avion : pour grande partie pour raison professionnelle mais aussi (la plus grande partie) pour des voyages personnels.
Quant au niveau mondial, c’est 1% de la population mondiale qui est responsable de 50% des vols en effectués avion et donc de la production des GES : les 1% les plus riches voudraient donc que ce soient les autres qui fassent un effort ?
Première conclusion : l’industrie aéronautique est contributrice au minimum de 3,5% au forçage radiatif global par ses émissions des gaz à effet de serre . En conséquence il n’y a pas de raison qu’elle soit exclue du champ de la lutte contre le réchauffement climatique.
1.3 La quantité de GES que l’aéronautique peut émettre d’ici 2050 est limitée
Tout se passe comme si nous avions une tirelire avec dedans de tonnes de eCO2 dans laquelle nous pouvons piocher mais il n’y aura pas de rallonge. Et plus on attend pour prendre les bonnes décisions, plus l’effort à fournir sera important.
Le réchauffement climatique n’a pas démarré hier au soir, mais au début de l’ère industrielle, fin du XIXème siècle. Les scientifiques ont estimé à peu près la quantité totale de GES émise depuis de ce temps :
Ils sont donc capables de nous indiquer la quantité de eCO2 qu’il nous est possible d’émettre encore pour rester sous la barre des 2°C : il y a différents modèles de simulation, la valeur retenue ici est de 844 GteCO2 sur la période 2018-2050. La part devenant à l’industrie aéronautique est donc de 536 MteCO2.
La question est donc : comment s’adapter pour pérenniser l’aviation ?
On comprend bien qu’il décarboner l’industrie aéronautique.
1.4 Les programmes actuels d’efficacité énergétique
Pour rappel :
. décarboner les activités au sol
. remplacer les avions à turboréacteurs par des avions à turbopropulseurs
. limiter le fuel tankering qui consiste à embarquer plus de kérosène que nécessaire pour économiser si le carburant est plus cher dans l’aéroport d’arrivée
. réduire le cost index : choisir la combinaison la plus économe en coût de carburant et en coût horaire de vol
Malheureusement, ces programmes d’efficacité énergétique ne contribuent que pour 4% à l’objectif.
1.5 Le programme CORSIA
Ce mécanisme international de compensation CO2 appelé CORSIA est en cours de mise en place.
Cela concerne uniquement les vols internationaux, reliant des pays qui adhèrent à ce programme (il n’est pas obligatoire). L’objectif de CORSIA est de compenser les émissions de CO2 supérieures à celles effectuées en 2019, par le rachat de crédits-carbone sur le marché. Actuellement en phase d’essai, ce dispositif très complexe ne concernera de toute façon qu’une fraction très minime des vols internationaux et nationaux.
Et malheureusement, il ne compensera qu’une portion très minime, de l’ordre de 20%, des émissions de GES dues à l’aviation.
1.6 Plus forte que les mesures ci-dessus : la pandémie de Codiv19
Le graphique ci-joint montre que la crise du Covid-19 a entraîné une réduction massive des émissions de CO2 liées au trafic aérien, puisqu’en 2020, nous voilà revenus aux niveaux de 1994.
Nota bene : on atterrit légèrement en dessous, finalement pas très loin du niveau qu’il faut atteindre de 536 MtCO2 pour tenir le budget de eCO2 alloué à l’industrie aéronautique permettant le maintien en-dessous des 2°C de réchauffement climatique
Il n’est pas prévu que le trafic revienne à la situation antérieure avant deux ou trois ans.
Mais, le faut-il ?
2. Les scénarios possibles
Il y a évidemment plusieurs manières de traiter le problème :
. le nier : hélas, nier un problème, est-ce le résoudre ? en 2021, les climato-sceptiques n’ont plus trop voix au chapitre, tant sont probantes les preuves de la théorie du réchauffement climatique qu’ils entendaient dénoncer.
Mais si rien n’est fait, si malgré toutes les évidences, tout reprend comme avant la crise Covid, alors effectivement notre génération pourra encore prendre l’avion sans compter. Au mépris de la génération suivante. Jons ne sera pas vert demain dans cette hypothèse, quoiqu’on tente.
. obtenir une augmentation du budget eCO2 au détriment d’un autre secteur industriel : est-ce bien raisonnable de parier là-dessus ? Au nom de quelle équité alloueraient-on aux utilisateurs d’avions (pour moitié ce sont les 5% les plus riches) le droit d’augmenter leurs émissions de GES alors que tous les autres secteurs de l’économie devraient changer ?
. partir d’un budget et construire la conformité à ce budget en évaluant plusieurs hypothèses à la fois technologiques et sociologiques.
C’est l’objet du travail remarquable effectué par le Shift Project, qui a identifié deux scénarios « possibles », un très optimiste, l’autre plus réaliste. C’est ce dernier qui est présenté succinctement ici.
Dans les deux cas on parle d’une révolution à la fois technologique et sociologique.
3. Un scénario volontariste mais réaliste
Le scénario volontariste qui semble le plus réaliste est nommé Iceman dans le rapport du Shift Project.
Quelles sont les hypothèses du scénario Iceman ?
. Hypothèses technologiques :
. mise en place des programmes d’efficacité énergétique des opérations actuelles (cf 1 .4)
. usage massif de carburants de nouvelle génération, biocarburants et PTL : 50% de la production de ces biocarburants serait réservée pour l’aviation. Les long-courriers voleraient avec 100% de tels carburants à partir de 2040.
. les courts et moyens courriers utiliseraient des moteurs à hydrogène à partir de 2040 (à condition que l’hydrogène utilisé provienne d’énergie non carbonée !).
. la durée d’usage des avions est allongée à 25 ans
. Hypothèses sociologiques, se résumant pratiquement en un seul objectif : limitation du trafic, de -1%/an à partir de 2025, ou bien -4,5%/an à partir de 2030.
. sobriété : densification des cabines / moins de place pour les Business et 1ère classe
. alternative ferroviaire obligatoire en-dessous de 4h30 de trajet entre deux centre-villes (36 liaisons aériennes actuellement en France)
. taxation progressive pour les grands voyageurs
Tout ceci de façon à ce que le nombre de vols en avion se stabilise rapidement et baisse ensuite de façon constante, entre -1 et -5% par an.
A notre modeste niveau national, il faut et il suffit de convaincre les 5% des français qui occupent les 50% des places françaises en avion … que prendre l’avion n’est plus un must.
4. Vivre à Jons demain
La pandémie de Covid-19 a fait découvrir à nombre de Jonsois le charme d’un village plus silencieux qu’à l’accoutumée.
Même si tout repart comme avant, il n‘est pas possible que le trafic reprenne à ses niveaux antérieurs avant plusieurs semestres.
A plus long terme, notre conviction est que le trafic aérien est passé par un pic et ne reviendra jamais à ses niveaux historiques.
Il y a donc tout lieu de croire que Jons va continuer sur le long terme à bénéficier d’un environnement sonore plus favorable qu’il ne le fut pendant les dernières décennies.
5. Prendre l’avion demain
La réduction du trafic aérien, si c’est une « obligation » passera par des augmentations de prix
. taxations sur le kérosène
. taxation des billets d’avion en fonction de leur bilan carbone
Mais cela passera surtout par un élément culturel : à l’exemple de la Loi Evin qui supprima le tabac dans les lieux publics. Il faudra éduquer les personnes à prendre le train plutôt que l’avion dès qu’une alternative existera. Exemple : Lyon-Bordeaux en tgv via Paris : 5 h
6. Travailler dans le secteur de l’aviation demain
La réduction du trafic va obligatoirement entraîner une évolution négative des emplois dans l’aéronautique. La liste connue des programmes de réduction d’emplois dans ce secteur à cause des conséquences de la pandémie de Covid est juste impressionnante. Les compagnies qui licencient aujourd’hui ne prévoient pas d’embaucher en compensation totale dans l’avenir.
Que ce soit dans le tissu industriel qui produit et entretient les avions, le réseau des opérations au sol, dans les aéroports, et dans les emplois « volants », stewards, hôtesses, pilotes, la perte d’empois sera massive.
Si la création d’emplois dans ce secteur en France était chaque année d’environ 2000 nouveaux emplois dans l’aéronautique, on parle d’une destruction de plus de 13000 en 2020.
Il y aura un retour à un certain volume de vols mais il est fort à parier que jamais nous ne retrouverons les niveaux passés.
Un autre domaine va en contrepartie voir son activité augmenter, il s’agit du ferroviaire. Or, comme l’aéronautique, le ferroviaire est un métier qui consiste à déplacer des personnes en sécurité de façon efficiente. Même si les moyens ne sont pas les mêmes, nombre de compétences requises sont similaires. Un redéploiement des emplois aéros vers le ferroviaire est une des clés de succès de la transition qui s’annonce.